Cassation de l’arrêt d’appel qui juge une société responsable de l’intoxication d’un agriculteur pour insuffisance des mentions portées sur l’emballage de son herbicide, sans examiner d’office l’applicabilité au litige de la responsabilité du fait des produits défectueux comme le prévoit le droit européen.
Ayant été intoxiqué par les vapeurs d’un herbicide commercialisé sous le nom de "Lasso" par une société, lors de l’ouverture d’une cuve de traitement sur un pulvérisateur, un agriculteur a assigné cette société en présence d’une association des assureurs, afin de la voir déclarer responsable de son préjudice.Un jugement, assorti de l’exécution provisoire, a accueilli cette action et ordonné une expertise médicale.
Après avoir, dans un premier arrêt, déclaré irrecevable l’appel-nullité formé par la société contre une ordonnance du juge de la mise en état, la cour d’appel de Lyon a, dans un second arrêt rendu le 10 septembre 2015, confirmé le jugement ayant retenu la responsabilité de cette société sur le fondement des articles 1240 et suivants du code civil.La cour d’appel de Lyon a également déclaré la société responsable du préjudice subi par la victime, celle-ci n’invoquant pas le régime spécial de la responsabilité du fait des produits défectueux, et a retenu que cette société a failli à son obligation d’information et de renseignement en omettant de signaler les risques liés à l’inhalation de monochlorobenzène présent en quantité importante dans l’herbicide et de préconiser l’emploi d’un appareil de protection respiratoire.
Dans une décision du 7 juillet 2017, la Cour de cassation énonce que selon l’article 621 du code de procédure civile, si le pourvoi en cassation est déclaré irrecevable, la partie qui l’a formé n’est plus recevable à en former un nouveau contre le même jugement, hors le cas prévu à l’article 618 de ce code.La société, qui a formé un premier pourvoi contre le premier arrêt, lequel, en l’absence d’excès de pouvoir consacré ou commis par la cour d’appel, a été déclaré irrecevable par une décision non spécialement motivée, n’est pas recevable à former un second pourvoi invoquant le même moyen contre le même arrêt.Par ailleurs, la Cour de cassation rappelle que si le juge n’a pas, sauf règles particulières, l’obligation de changer le fondement juridique des demandes, il est tenu, lorsque les faits dont il est saisi le justifient, de faire application des règles d’ordre public issues du droit de l’Union européenne, telle la responsabilité du fait des produits défectueux, même si le demandeur ne les a pas invoquées.Le raisonnement des juges du fond est censuré, ces derniers ayant pourtant relevé que M. X. alléguait avoir acheté le produit ayant causé le dommage à une coopérative agricole, qui l’avait acquis deux ans plus tôt de la société, ce qui rendait possible que cette dernière en ait été le producteur. De ce fait, la date de mise en circulation de ce produit, qui ne saurait résulter de la seule autorisation de mise sur le marché, pouvait être postérieure à la date d’effet de la législation européenne ce qui impliquait que, l’agriculteur imputant l’origine de son dommage à l’insuffisance des mentions portées sur l’étiquetage et l’emballage du produit, la cour d’appel examine d’office l’applicabilité au litige de la responsabilité du fait des produits défectueux.
- Cour de cassation, chambre mixte, 7 juillet 2017 (pourvoi n° 15-25.651 - ECLI:FR:CCASS:2017:MI00284), SAS Monsanto c/ M. Paul X., Association des assureurs AAEXA et a. - cassation de cour d’appel de Lyon, 10 septembre 2015 (renvoi devant cour d’appel de Lyon, autrement composée) - https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/chambres_mixtes_2740/284_7_37280.html
- Note explicative relative à l’arrêt n° 284 du 7 juillet 2017 de la chambre mixte - https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/notes_explicatives_7002/relative_arret_37281.html
- Code civil, article 1240 et suivants - https://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do;jsessionid=D3577A81D07CD4D3A06384F33C72C8FB.tpdila11v_3?idSectionTA=LEGISCTA000032021488&cidTexte=LEGITEXT000006070721&dateTexte=20170711
- Code civil, articles 618 et 621 - https://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do;jsessionid=D3577A81D07CD4D3A06384F33C72C8FB.tpdila11v_3?idSectionTA=LEGISCTA000006150119&cidTexte=LEGITEXT000006070721&dateTexte=20170711