En présence d'un inventaire incomplet, sommaire ou inexploitable, la preuve que le bien revendiqué n'existe plus en nature au jour du jugement d'ouverture incombe au liquidateur.A la suite de la mise en redressement puis liquidation judiciaires d’une débitrice, une société a déclaré une créance correspondant à six factures impayées, émises avant le jugement d'ouverture. Elle a revendiqué divers biens correspondant aux factures ayant fait l'objet de sa déclaration de créance.Un commissaire-priseur a réalisé la prisée, valant inventaire, des biens dépendant de l'actif de la liquidation judiciaire.
La créancière a alors saisi le juge-commissaire d'une requête en revendication de ces biens. Par une ordonnance, ce dernier a autorisé la vente aux enchères publiques des biens dépendant de la liquidation. Après la vente, une nouvelle ordonnance du juge-commissaire, statuant sur la requête en revendication de la créancière, a autorisé cette dernière à reprendre les biens revendiqués entre les mains du débiteur, "sous réserve de la vérification de leur existence en nature au jour du jugement d'ouverture."
Reprochant au liquidateur d'avoir vendu les biens revendiqués, la créancière l'a assigné en responsabilité civile personnelle.
La cour d’appel de Paris a condamné le liquidateur à payer des dommages-intérêts à la créancière.Les juges du fond ont énoncé qu'il appartient aux organes de la procédure collective de s'abstenir de procéder à la réalisation d'actifs sur des biens objets d'une clause de réserve de propriété dont ils connaissent l'existence, sauf accord du vendeur à qui ils doivent payer le solde du prix restant dû sur le matériel.Après avoir relevé que l'inventaire incluait un stock de matières premières avec la mention "sous clause de réserve de propriété éventuelle" et que cette partie de l'inventaire n'est ni détaillée ni exploitable, les juges ont précisé qu'en présence d'un inventaire incomplet, sommaire ou inexploitable, qui équivaut à l'absence d'inventaire obligatoire, la preuve que le bien revendiqué n'existe plus en nature au jour du jugement d'ouverture incombe au liquidateur. Ils ont retenu qu'au vu des pièces qui leur étaient soumises, le liquidateur ne rapportait pas cette preuve.Les juges ont fait ressortir, d'un côté, que le liquidateur était informé de la demande de revendication de la créancière formée dans les délais légaux, de l'autre, que l'ordonnance du juge-commissaire avait accueilli la demande de revendication en son principe en l'assortissant d'une réserve qui, dès lors qu'elle permettait une contestation ultérieure sur l'existence des biens en nature à la date du jugement d'ouverture, obligeait le liquidateur à faire preuve de prudence en se mettant en mesure de représenter le prix des marchandises revendiquées après avoir vendu l'ensemble des biens de la société débitrice.
Dans un arrêt du 21 octobre 2020 (pourvoi n° 19-15.685), la Cour de cassation considère que la cour d’appel a pu ainsi retenir, à la charge du liquidateur, une faute engageant sa responsabilité personnelle à l'égard de la créancière.