Le droit de l’Union interdit la conclusion, par un Etat membre, d’une convention d’arbitrage de contenu identique à une clause d’arbitrage nulle figurant dans un traité bilatéral d’investissement entre Etats membres.En l’espèce, une société de droit luxembourgeois en désaccord avec une décision de l’institution financière polonaise a décidé d’engager une procédure d’arbitrage contre la Pologne, en vertu de la clause d’arbitrage contenue au sein du traité bilatéral d’investissement (TBI) conclu entre la Belgique et le Luxembourg, d’une part, et la Pologne, d’autre part.
Par deux sentences rendues au cours de l’année 2017, le tribunal arbitral s’est déclaré compétent pour connaître du différend et, en statuant sur le fond, a considéré que la Pologne avait violé le TBI en question.
Dans le but de faire annuler ces sentences arbitrales, la Pologne a formé un recours devant la cour d’appel suédoise. Cette dernière, ayant affirmé que la clause d’arbitrage contenue au sein du TBI devait être frappée de nullité, a toutefois rejeté l’appel formé par l’Etat polonais au motif que "cette nullité n’empêche pas un Etat membre et investisseur d’un autre Etat membre de conclure, à un stade ultérieur, une convention d’arbitrage ad hoc afin de résoudre ce différend".
La Cour suprême de Suède, qui fut saisie d’un recours de la Pologne, a décidé de surseoir à statuer afin de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) dans le but de savoir "si les articles 267 et 344 TFUE [faisaient] obstacle à la conclusion d’une convention d’arbitrage ad hoc entre les parties au litige dès lors que cette convention [avait] un contenu identique à une clause d’arbitrage prévue par le TBI et contraire au droit de l’Union".
Le raisonnement de la CJUE l’a conduite à juger, par un arrêt du 26 octobre 2021 (affaire n° C-109/20), que le droit de l’Union interdit la conclusion par un Etat membre d’une telle convention d’arbitrage.
Si elle s’accorde, en premier lieu, à considérer la clause d’arbitrage contenue dans le TBI comme étant nulle, car elle porte atteinte à l’article 267 TFUE (procédure du renvoi préjudiciel) et à l’article 344 du même acte (autonomie du droit de l’Union), elle précise qu’une convention d’arbitrage ad hoc prévoyant de soumettre un litige susceptible de porter sur l’application ou l’interprétation du droit de l’Union à un organisme arbitral ayant les mêmes caractéristiques que celui prévu par la clause frappée de nullité entraînerait un contournement des obligations de l’Etat membre des traités par lesquels il est lié à l’Union européenne (UE). En effet, cette convention d’arbitrage aurait les mêmes effets à l’égard du litige que la clause d’arbitrage nulle, et cela peu important le fait qu’il s’agisse d’un cas particulier.
Dès lors, par le truchement de la jurisprudence Achmea (affaire n° C‑284/16) établie par la Cour et des principes de primauté de l’UE et de coopération loyale, la CJUE conclut "que les Etats membres non seulement ne peuvent s’engager à soustraire au système juridictionnel de l’Union les litiges susceptibles de porter sur l’application et l’interprétation du droit de l’Union, mais également que, dès lors que ce litige est porté devant un organisme d’arbitrage en vertu d’un engagement contraire audit droit, ils sont tenus de contester la validité́ de la clause d’arbitrage ou de la convention d’arbitrage ad hoc en vertu de laquelle ledit organisme a été saisi".
En ce sens, ce moyen pour l’Etat de remédier à la nullité d’une telle clause d’arbitrage par la conclusion d’une convention ad hoc similaire avec un investisseur ressortissant d’un autre Etat membre pourrait le conduire à engager sa responsabilité à l’égard de l’UE. Selon la Cour, le juge national est tenu d’annuler les sentences arbitrales prises dans un tel contexte.