Lorsque la déclaration du créancier comporte plusieurs postes de créance, le juge-commissaire doit déterminer, pour chacun d'eux, quelle partie avait intérêt à saisir le juge compétent pour trancher la contestation et doit, dès lors, supporter les conséquences de sa carence, afin de décider, pour chaque poste, s'il y a lieu de le rejeter ou de l'admettre.Un producteur de fruits a conclu un contrat d'apport exclusif avec une coopérative chargée de la réception et de l'emballage des fruits.A la suite de la mise en redressement judiciaire du producteur, la coopérative a déclaré au passif plusieurs chefs de créance représentant un montant total de 566.252,78 €, en arguant notamment de l'inexécution du contrat précité. Cette déclaration a été contestée aux motifs que "la créance" n'était justifiée ni dans son principe, ni dans son montant.
Le juge-commissaire a sursis à statuer sur l'admission de cette créance et invité les parties à saisir un tribunal de grande instance dans le délai d'un mois fixé par l'article R. 624-5 du code de commerce, à peine de forclusion. L'appel et le contredit formés contre cette ordonnance ont été déclarés irrecevables.En l'absence de saisine du juge désigné pour trancher la contestation de la créance déclarée, l'affaire est revenue devant le juge-commissaire, afin qu'il soit statué sur le sort de cette créance.
Statuant sur renvoi après cassation (pourvoi n° 16-27.243), la cour d'appel d'Aix-en-Provence rejette la créance dans son intégralité.Après avoir constaté qu'aucune partie n'avait saisi le tribunal désigné pour statuer sur la contestation soulevée, les juges du fond ont énoncé que, la forclusion prévue par l'article R. 624-5 susvisé ayant pour but de sanctionner l'inaction de la partie qui avait intérêt à saisir la juridiction compétente, il convenait de déterminer quelle partie avait intérêt et donc la charge de saisir le tribunal. Ils ont retenu que la créance était fondée principalement sur l'allégation de l'inexécution du contrat d'apport exclusif liant les parties, que la contestation consistait à soutenir que la créance n'était justifiée ni dans son principe ni dans son montant, et qu'aucun élément n'établissait que la société débitrice et son mandataire auraient remis en cause, même pour partie, le contrat à l'origine de la créance. Les juges en ont déduit que seule la créancière déclarante avait intérêt à saisir la juridiction compétente pour trancher la contestation et que, faute pour elle de l'avoir fait dans le délai requis, sa demande était irrecevable et sa créance devait être rejetée.
La Cour de cassation censure ce raisonnement dans un arrêt du 29 septembre 2021 (pourvoi n° 20-13.367).La chambre commerciale indique que le juge-commissaire qui constate l'existence d'une contestation sérieuse, renvoie les parties à mieux se pourvoir et invite les parties, sans désigner laquelle, à saisir le juge compétent pour trancher cette contestation, reste compétent, une fois la contestation tranchée ou la forclusion acquise, pour statuer sur la créance déclarée, en l'admettant ou en la rejetant. Elle ajoute qu'en cas de forclusion, l'admission ou le rejet de la créance déclarée dépend du point de savoir quelle partie avait intérêt à saisir le juge compétent, seule cette partie devant, dans le cadre de la procédure de vérification et d'admission des créances, supporter les conséquences de l'absence de saisine de ce juge. Par conséquent, lorsque la déclaration du créancier comporte plusieurs postes de créance, le juge-commissaire doit déterminer, pour chacun d'eux, quelle partie avait intérêt à saisir le juge compétent pour trancher la contestation et doit, dès lors, supporter les conséquences de sa carence, afin de décider, pour chaque poste, s'il y a lieu de le rejeter ou de l'admettre.
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Désignation par le juge-commissaire de la partie ayant intérêt à saisir la juridiction compétente pour admettre une créance - Legalnews, 3 juillet 2018