Le fait qu’aucun préavis de rupture n’ait été adressé à la société lésée et qu’une telle précipitation ait causé de graves problèmes d'approvisionnement à cette société, suffit à considérer le caractère manifestement illicite du trouble intervenu dans la rupture de la relation commerciale, sans qu'il soit nécessaire d'effectuer une recherche supplémentaire pour fixer le prix de son rétablissement.Une coopérative agricole et sa filiale, spécialisées dans l’achat, l’abattage, la découpe de porc et la fabrication de charcuterie, sont en relation d’affaires depuis 2011 avec une société qui prépare et vend leurs produits. L’augmentation du cours du porc a conduit les deux premières sociétés à revoir leurs prix, à l’égard de la troisième, à la hausse. Les négociations n’ayant pas abouti, la première société a notifié – le 4 juillet 2019 – à la troisième la cessation de leurs relations commerciales concernant deux produits, à compter du 3 juillet 2019. Le 8 juillet 2019, la société lésée a assigné les deux autres devant le juge des référés d'un tribunal de commerce aux fins de voir constater la rupture brutale des relations commerciales et ordonner leur poursuite pour une durée de 12 mois avec obligation de renégocier de bonne foi les prix. Un appel a donc été interjeté suite au jugement rendu par le juge des référés. Dans son arrêt, la cour d’appel a ordonné, sous astreinte, aux deux premières sociétés, de "continuer à livrer à la société lésée, de juillet à octobre 2019, au prix accepté par celle-ci s'agissant de deux catégories de jambon, l'ensemble des produits actuellement commercialisés entre elles, et ce dans des volumes conformes au niveau des mêmes mois de l'année précédente, en estimant notamment que les conditions de la rupture de la relation commerciale établie étaient constitutives d'un trouble manifestement illicite et de nature à causer un dommage imminent à la société lésée". Par un arrêt du 24 novembre 2021 (pourvoi n° n° 20-15.789), la Cour de cassation a, d’une part, rappelé qu’"en cas de trouble manifestement illicite ou de dommage imminent, les dispositions de l’article L. 631-28 du code rural et de la pêche maritime instituant une procédure de médiation obligatoire et préalable ne font pas obstacle à la saisine du juge des référés". D’autre part, la Haute juridiction judiciaire a approuvé les propos de la cour d’appel en ce que cette rupture était constitutive d'un trouble manifestement illicite (art. L. 442-1-II du code de commerce), au regard des faits en litige : "aucun préavis de rupture n’avait été adressé à la société lésée" et "une telle précipitation avait causé de graves problèmes d'approvisionnement à cette société qui avait été brusquement privée d'un fournisseur stratégique pendant une période de forte activité". Afin de faire cesser le trouble constaté, la Cour remarque à ce titre que les juges du fond n’ont pas excédé leur pouvoir en organisant une reprise de ces relations de juillet à octobre 2019, au prix majoré que la société lésée avait accepté lors des négociations précédents la rupture, peu important qu’il eut été établi que "ces prix auraient eu pour effet d'imposer au fournisseur une marge commerciale négative", eu égard du caractère nécessaire d’un tel rétablissement des relations commerciales.