Lorsque le détournement constitutif du délit de banqueroute a été réalisé postérieurement au jugement ouvrant une procédure collective, le délai de prescription court à compter de la date de commission des faits, sauf s'il est établi que l'infraction a été délibérément dissimulée. Il revient au juge de rechercher quelle est la date de ce détournement et l'existence d'une éventuelle dissimulation de nature à retarder le point de départ du délai de prescription.M. O. a été poursuivi devant le tribunal correctionnel pour banqueroute.Il lui est reproché d'avoir, entre le 1er janvier 2009 et le 10 juillet 2012, en sa qualité de gérant de fait de la société P., placée en redressement judiciaire par jugement du 28 juin 2005, détourné tout ou partie de l'actif de cette société pour un montant total de 790.176 €, en faisant des avances à des sociétés tierces, sans lien juridique, ni convention de trésorerie.Par jugement du 11 décembre 2019, M. O. a été déclaré coupable des faits poursuivis.Le prévenu, puis le ministère public, ont interjeté appel de la décision.
La cour d'appel de Fort-de-France a rejeté l'exception tirée de la prescription de l'action publique.Elle a retenu, après avoir constaté que la société P. a été placée en redressement judiciaire par jugement du 28 juin 2005, que les faits incriminés, qualifiés de banqueroute, sont apparus avant la date de liquidation judiciaire de la société P. et qu'il peut donc être fait, en l'espèce, application de l'article L. 654-16 du code de commerce.
Dans un arrêt du 15 septembre 2021 (pourvoi n° 20-86.484), la Cour de cassation casse l'arrêt d'appel, au visa des articles L. 654-2 et L.654-16 du code de commerce et 8 du code de procédure pénale dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2017-242 du 27 février 2017.
Selon le premier de ces textes, en cas d'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, constitue notamment le délit de banqueroute le fait d'avoir détourné tout ou partie de l'actif du débiteur. Dans cette hypothèse, au regard de ses éléments constitutifs, ce délit ne constitue pas une infraction occulte par nature.
Aux termes du deuxième de ces textes, en matière de banqueroute, la prescription de l'action publique ne court que du jour du jugement ouvrant la procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire lorsque les faits incriminés sont apparus avant cette date. Le report du point de départ de la prescription est justifié par le fait que l'exercice de poursuites du chef de banqueroute est subordonné à l'ouverture d'une procédure collective.
Au contraire, lorsque les faits de banqueroute sont apparus entre le jour du jugement ouvrant une procédure de redressement judiciaire et le jour du jugement prononçant la liquidation judiciaire, il n'y a pas lieu de repousser le point de départ du délai de prescription à la date de cette seconde décision.
La Cour de cassation en a déduit que, lorsque le détournement constitutif du délit de banqueroute a été réalisé postérieurement au jugement ouvrant une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire, le délai de prescription court, en application du dernier des textes susvisés, à compter de la date de commission des faits, sauf s'il est établi que l'infraction a été délibérément dissimulée.
En conséquence, en statuant comme elle l'a fait, alors qu'elle avait constaté que la société P. avait été placée en redressement judiciaire antérieurement aux faits poursuivis, en sorte qu'il lui appartenait de rechercher quelle était la date de leur commission et l'existence d'une éventuelle dissimulation de nature à retarder le point de départ du délai de prescription, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé.