Une régie publicitaire créée un déséquilibre significatif lorsqu'elle soumet son partenaire commercial à un mode d’attribution opaque et qu'elle détient des informations qu'elle n'a pas communiquées lui permettant de négocier son prix d’achat.Depuis 2011, une société acquérait des espaces publicitaires sur le portail d’accès d'un opérateur téléphonique afin de promouvoir ses sites internet de jeux, sonneries et fonds d’écran. Ces prestations lui étaient facturées par la société TF1 Publicité en sa qualité de régisseur exclusif de la publicité sur le portail de l’opérateur de téléphonie.Contestant les factures émises par le régisseur, l'annonceur a cessé de les payer.Ce dernier a été assigné devant le tribunal de commerce en paiement du montant des factures et des dommages et intérêts pour résistance abusive. Cependant, tout ne s’est pas arrêté avec cette assignation. L'annonceur a formé une demande reconventionnelle en ce qu’il considère avoir subi des dommages dus à un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, notamment en ce qui concerne la perte de marges brutes sur les espaces publicitaires non attribués par TF1 Publicité.
La cour d’appel de Paris a considéré que le grief de l’annonceur était avéré. Elle a relevé que le mode d’acquisition des espaces publicitaires par la société TF1 Publicité n’était pas précisé dans les conditions générales de vente. De plus, la cour a constaté qu’une proposition inférieure au nombre d’espaces demandés avait été faite, que certains espaces non-souhaités avaient été ajoutés, sans qu'il y ait de réelle explication sauf celle de la grande demande d'autres annonceurs. Les juges du fond ont aussi souligné que seul le régisseur avait des informations sur les prix des autres annonceurs pour un espace publicitaire donné et qu'il ne les avait pas communiquées. L'annonceur était dans la situation où soit il refusait l'acquisition des espaces et il n'était plus visible, soit il acceptait mais il laissait un certain nombre d'espaces non désirés.Enfin, le régisseur affirme lui-même qu’il ne se réfère pas uniquement aux prix d’achat proposés par les différents annonceurs pour régler les attributions.Ainsi, la cour d’appel a condamné TF1 Publicité au titre du préjudice subi de la perte de marge brute sur les espaces publicitaires non attribués.
La Cour de cassation, dans un arrêt du 26 janvier 2022 (pourvoi n° 20-10.897), casse et annule l’arrêt d’appel, mais seulement en ce qu’il condamne la société publicitaire à payer seulement 150.000 € à l'annonceur au titre de la perte de la marge brute sur les espaces inutilisés.Cependant, elle valide le raisonnement des juges du fond sur le fait que l’attribution opaque imposée par le régisseur ne permettait pas une négociation effective des prix d’achat dans la mesure où lui seul disposait d’informations qui permettaient un ajustement des prix. Ainsi, la Haute juridiction judiciaire considère que TF1 Publicité avait soumis son partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif entre les parties.