Précisions de la CJUE quant à la compétence du juge et à la loi applicable concernant la possible responsabilité d’une société "grand-mère" dans l’ouverture d’une procédure collective à l’égard de sa filiale.La société A. et sa société mère B. sont établies au Pays-Bas.La société C., société mère de la société B., et donc société "grand-mère" de la société A., est établie en Allemagne.
La société "grand-mère" a accordé des prêts à la société A. Dans les conventions de financement, le juge allemand est désigné comme étant le juge compétent et la loi allemande est désignée comme étant la loi applicable.
Par la suite, la société "grand-mère" a cessé de soutenir financièrement la société A. et celle-ci a connu des difficultés ayant conduit à sa mise en faillite.Le liquidateur judiciaire de la société A. a agi aux Pays-Bas contre la société "grand-mère". Le droit néerlandais permet d'intenter une action en matière délictuelle ou quasi délictuelle contre un tiers ayant prétendument participé à la réalisation du préjudice causé aux créanciers d’une société déclarée en faillite. L’action est introduite pour le compte, mais non au nom, de l’ensemble des créanciers et vise à rétablir leurs possibilités de recouvrement. Le résultat bénéficie à l’ensemble des créanciers. Pour statuer sur une telle action, il n’y a pas lieu d’examiner la position individuelle de chacun des créanciers concernés.
La compétence du juge néerlandais est remise en cause. Le Rechtbank Midden-Nederland (tribunal des Pays-Bas centraux) a introduit une demande préjudicielle portant sur l’interprétation de l’article 7, point 2, et de l’article 8, point 2, du règlement (UE) n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, ainsi que de l’article 4 du règlement (CE) nº 864/2007 du 11 juillet 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles ("Rome II").
Dans un arrêt du 10 mars 2022 (affaire C-498/20), la Cour de justice de l'Union européenne précise que l’article 7, point 2, du règlement (UE) n° 1215/2012 doit être interprété en ce sens que la juridiction du lieu d’établissement d’une société dont les dettes sont devenues irrécouvrables, parce que la société "grand-mère" de cette société a méconnu son devoir de diligence à l’égard des créanciers de celle-ci, est compétente pour connaître d’une action collective en dommages et intérêts relevant de la matière délictuelle ou quasi délictuelle, que le liquidateur de cette société a introduite, dans le cadre de sa mission légale de liquidation de la masse, pour le compte, mais non pas au nom, de l’ensemble des créanciers.
L’article 4 du règlement (CE) nº 864/2007 doit être interprété en ce sens que la loi applicable à une obligation de réparation au titre du devoir de diligence de la société "grand-mère" d’une société déclarée en faillite est, en principe, celle du pays où est établie cette dernière, bien que la préexistence d’une convention de financement entre ces deux sociétés, assortie d’une clause d’élection de for, soit une circonstance pouvant établir des liens manifestement plus étroits avec un autre pays, au sens du paragraphe 3 de cet article.