La condamnation d’une société mère, en sa qualité de co-employeur, au paiement de dommages et intérêt à des salariés de sa société fille, licenciés pour motif économique par les liquidateurs de celle-ci, ne résulte que de sa propre carence dans les démarches de reclassement qu’elle devait accomplir directement et de sa propre initiative.Une filiale, détenue à 99 % par la société mère, a été mise en redressement judiciaire le 23 janvier 2003 et en liquidation judiciaire le 10 mars 2003.Le 21 mars 2003, les co-liquidateurs ont licencié, pour motif économique, les salariés de la filiale.Plusieurs de ces derniers ont obtenu, par des arrêts des 18 décembre 2009 et 17 décembre 2010, devenus irrévocables, la reconnaissance de la qualité de co-employeur de la société mère, sa condamnation à payer des dommages et intérêts, ainsi qu’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.Le 19 mars 2013 et 18 décembre 2014, la société mère a assigné les co-liquidateurs en leur nom personnel, ainsi que plusieurs assureurs, sur le fondement de la responsabilité délictuelle pour les voir condamner in solidum à l’indemniser des sommes qu’elle a versées. La cour d’appel de Douai a considéré que les requêtes étaient recevables.Elle a constaté que la société mère ne pouvait solliciter la condamnation des liquidateurs que dans la mesure où leur faute avait causé sa propre condamnation et a retenu que le lien de causalité entre ces deux éléments était constitué par sa qualité de co-employeur des salariés de la filiale, telle qu’elle résulte des décisions précitées et du fait qu’elle devait procéder aux démarches permettant le reclassement des salariés, sans qu’elles soient nécessairement requises par les liquidateurs judiciaires.Par ailleurs, les juges du fond ont relevé que chaque co-employeur était identiquement obligé à l’égard des salariés de procéder à la recherche de leur reclassement. De plus, l’absence fautive d’interrogation par les liquidateurs de la société mère excluait une exonération totale de ces derniers. La Cour de cassation, dans un arrêt du 18 mai 2022 (pourvoi n° 21-12.188), casse et annule l’arrêt d’appel au visa de l’article 1240 du code civil. Ce texte dispose que tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.La Cour constate que le préjudice invoqué par la société mère, constitué par sa condamnation au paiement de dommages et intérêts, ne procédait que de sa propre carence dans les démarches de reclassement, qu’elle devait accomplir directement et de sa propre initiative et sans devoir en être préalablement requise par les liquidateurs.