La Cour de cassation décide de transmettre au Conseil constitutionnel une QPC concernant l'inégalité entre les mandataires judiciaires, qui ne peuvent pas exercer la profession d'avocat et les administrateurs judiciaires qui, eux, en ont la possibilité.Un avocat a, à sa demande, été omis du tableau de l’ordre des avocats pour être inscrit sur la liste des mandataires judiciaires. L’avocat a demandé à ce que cette omission soit levée, ce qui lui a été refusé.
Après avoir interjeté appel de cette décision, il a demandé la transmission de deux questions prioritaires de constitutionnalité (QPC), ainsi rédigées : " 1°/ L'article L. 812-8 du code de commerce, en ce qu'il interdit au mandataire judiciaire l'exercice de la profession d'avocat, est-il contraire au principe d'égalité devant la loi, dès lors que cet exercice est ouvert aux administrateurs judiciaires (L. 811-10 du code de commerce), profession par ailleurs soumise aux mêmes conditions et contraintes que le mandataire judiciaire ?2°/ L'article L. 812-8 du code de commerce, en ce qu'il interdit au mandataire judiciaire l'exercice de la profession d'avocat, est-il contraire au principe constitutionnel de la liberté d'entreprendre en portant une atteinte disproportionnée à celle-ci au regard des objectifs d'intérêt général que la loi entend poursuivre, la profession de mandataire judiciaire étant elle-même soumise à une certaine concurrence ? "
La Cour de cassation, dans un arrêt du 9 juin 2022 (pourvoi n° 22-40.008), juge qu’il y a lieu à transmission de la première QPC.Elle rappelle que le principe d’égalité ne s’oppose pas à ce que le législateur traite de façon différente des situations différentes ou à ce qu’il déroge à l’égalité pour des questions d’intérêt général. Dans les deux cas, la différence de traitement qui en résulte doit avoir un rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit.La Cour relève ensuite que l’article L. 811-10 alinéa 1er du code de commerce autorise un administrateur judiciaire à exercer la profession d’avocat, ce qui n’est pas le cas pour le mandataire judiciaire, en application de l’article L. 812-8 du même code.
La Haute juridiction judiciaire continue en rappelant que l’administrateur judiciaire est chargé d’administrer les biens d’autrui et d’exercer des fonctions d’assistance ou de surveillance dans la gestion de ceux-ci, pour parvenir à la sauvegarde ou au redressement d’une entreprise.Les mandataires judiciaires, quant à eux, représentent les créanciers, déterminent le passif du débiteur et procèdent à la liquidation de l’entreprise pour apurer le passif. Il en résulte que ces deux professions répondent à des conditions d’accès et des statuts similaires, sont soumises aux mêmes obligations déontologiques et à des règles identiques quant à leur contrôle et leur discipline.
Ainsi, la confrontation des articles L. 811-10 et L. 812-8 du code de commerce permet d’établir une différence de traitement dans deux situations qui paraissent similaires, sans que cette disparité paraisse justifiée par des motifs d’intérêt général.