La CJUE précise les conditions dans lesquelles le comportement d’une entreprise peut être constitutif d’un abus de position dominante, en matière de pratiques d’éviction.La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) répond à une question préjudicielle du Conseil d’Etat italien, concernant l’interprétation et l’application de l’article 102 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), en matière de pratiques d’éviction.
Une distinction a été opérée, dans un premier temps, concernant le réseau électrique italien, entre les clients éligibles à choisir un fournisseur sur un marché libre et les clients du marché protégé. Ce dernier était constitué des particuliers et des petites entreprises. Ce n’est que dans un second temps que ceux-ci ont été autorisés à prendre part au marché libre.Une entreprise, verticalement intégrée et titulaire du monopole dans la production d’énergie électrique en Italie, a été soumise à une procédure de dissociation des activités de distribution et de vente, ainsi que des marques. Au terme de celle-ci, les différentes étapes de distribution ont été attribuées à plusieurs filiales. A l’issue d’une enquête, menée par l’Autorité italienne de la concurrence et des marchés (AGCM), celle-ci a adopté, le 20 décembre 2018, une décision par laquelle elle a constaté que deux filiales de l’entreprise précitée, s’étaient rendues coupables, de janvier 2012 à mai 2017, d’abus de position dominante. Leur a été infligé une amende de plus de 93.000.000 €. Le reproche principal était le transfert de clientèle d’une filiale opérant sur un marché règlementé à une autre, opérant sur un marché libre, afin de pallier au départ massif de clients vers les concurrents.
Des recours avaient été introduits par la société mère et ses deux filiales, à l’encontre de l’AGCM.
La CJUE, dans une décision du 12 mai 2022 (affaire C-377/20), précise les critères d’exploitation abusive d’une position dominante. Elle considère que le bien-être des consommateurs doit être l’objectif unique. Une autorité de la concurrence doit démontrer qu’une pratique d’une entreprise en position dominante est susceptible de porter atteinte à une structure de concurrence effective. Cependant, il n’est pas nécessaire de prouver que la pratique a la capacité de créer un préjudice direct aux consommateurs. L'entreprise peut démontrer que l’effet d’éviction est contrebalancé par un effet positif sur les consommateurs.
La Cour considère aussi que le caractère abusif d’un comportement n’est retenu qu’à la condition d’avoir démontré sa capacité à restreindre la concurrence. Néanmoins, ce qualificatif ne requiert pas de démontrer que le résultat escompté a été atteint. De ce fait, l’absence d’effet d’éviction n’écarte pas l’article 102 TFUE, mais peut constituer un indice de l’incapacité du comportement en cause à produire les effets allégués.
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CJUE : exploitation de position dominante abusive (pratiques d’éviction) - Legalnews, 21 décembre 2021