La réglementation de l’Union harmonisant l’indication obligatoire du pays d’origine ou du lieu de provenance des denrées alimentaires et, notamment, du lait ne s'oppose pas à ce que soient adoptées des mesures nationales imposant certaines mentions complémentaires d’origine ou de provenance.La société Groupe Lactalis a formé un recours contre le Premier ministre, le ministre de la Justice, le ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation ainsi que le ministre de l’Economie et des Finances (France), pour l’annulation d’un décret imposant, notamment, l’étiquetage de l’origine française, européenne ou non européenne du lait ainsi que du lait utilisé en tant qu’ingrédient dans les denrées alimentaires préemballées.Elle soutient, notamment, que ce décret viole le règlement n° 1169/2001 du 25 octobre 2011 concernant l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires.
Dans un arrêt du 1er octobre 2020 (affaire n° C-485/18), la Cour de justice de l'union européenne répond à plusieurs questions posées par le Conseil d'Etat concernant l’interprétation de ce règlement.
En premier lieu, la Cour de justice de l'union européenne relève que le règlement n° 1169/2011 prévoit, de façon harmonisée, l’indication obligatoire du pays d’origine ou du lieu de provenance des denrées alimentaires autres que certaines catégories de viandes, et donc notamment du lait et du lait utilisé en tant qu’ingrédient, dans les cas où l’omission de cette indication serait susceptible d’induire en erreur les consommateurs. Cependant, la Cour observe que cette harmonisation ne s’oppose pas à ce que les Etats membres adoptent des mesures prévoyant des mentions obligatoires complémentaires d’origine ou de provenance, si celles-ci respectent les conditions énumérées dans le règlement n° 1169/2011. Il s'agit notamment de vérifier l’existence d’un lien avéré entre certaines propriétés de la denrée alimentaire concernée et son origine ou sa provenance. S'il est établi, il faut déterminer si la majorité des consommateurs attache une importance significative à cette information.
S’agissant, en deuxième lieu, de ces exigences, la Cour précise qu’elles doivent être examinées successivement. Il convient ainsi, dans un premier temps, de vérifier l’existence d’un lien avéré entre certaines propriétés de la denrée alimentaire concernée et son origine ou sa provenance. Si l’existence d’un tel lien est établie, il faut encore, et seulement dans un second temps, déterminer si la majorité des consommateurs attache une importance significative à cette information. En conséquence, l’appréciation de l’existence d’un lien avéré ne peut pas se fonder sur des éléments subjectifs tenant à l’importance de l’association que les consommateurs peuvent majoritairement faire entre certaines propriétés de la denrée alimentaire concernée et son origine ou sa provenance.
En troisième lieu, la Cour observe que la notion de "propriétés" des denrées alimentaires renvoie exclusivement aux propriétés qui sont liées à l’origine ou à la provenance d’une denrée alimentaire donnée et qui distinguent, par conséquent, celle-ci des denrées alimentaires ayant une autre origine ou une autre provenance. Or, tel n’est pas le cas de la capacité de résistance d’une denrée alimentaire telle que le lait au transport et aux risques d’altération durant le trajet, qui ne peut donc pas intervenir pour apprécier l’existence d’un éventuel "lien avéré entre certaines propriétés de la denrée et son origine ou sa provenance" ni, en conséquence, pour autoriser l’imposition d’une mention d’origine ou de provenance en ce qui concerne la denrée.