Pour l’avocat général Pitruzzella, un juge national peut condamner une filiale à réparer les dommages provoqués par le comportement anticoncurrentiel de sa société mère, seule destinataire de l’amende infligée par la Commission. Pour cela, les deux sociétés doivent avoir agi sur le marché comme une entreprise unique et la filiale doit avoir contribué à la réalisation de l’objectif et à la matérialisation des effets dudit comportement.L’Audiencia Provincial de Barcelona (cour provinciale de Barcelone, Espagne) a demandé à la Cour de justice de l’Union européenne si une filiale peut être considérée comme responsable pour une infraction aux règles européennes de la concurrence commise par sa société mère et quelles seraient les conditions pour qu’une telle responsabilité puisse être reconnue.
Dans ses conclusions du 15 avril 2021 (affaire C‑882/19), l’avocat général près la CJUE Giovanni Pitruzzella propose à la Cour d’avoir recours à la théorie de l’unité économique, utilisée jusqu’ici par la Cour pour sanctionner la société mère pour le comportement anticoncurrentiel de ses filiales (responsabilité "ascendante"), afin d’affirmer la (possible) responsabilité de la filiale pour les dommages causés par le comportement anticoncurrentiel de sa société mère (responsabilité "descendante").
Existence d’une unité économique
L’avocat général estime que le fondement de la responsabilité de la société mère pour le comportement anticoncurrentiel de la filiale réside dans l’unité d’action économique de ces sociétés, c’est-à-dire dans l’existence d’une seule unité économique. Si l’on se base sur l’existence d’une unité économique, il est possible d’affirmer également la responsabilité "descendante" de la filiale.
L’avocat général précise, ensuite, que la responsabilité pour la violation des règles de la concurrence est attribuée, en premier lieu, à l’entreprise en tant qu’unité économique dans le cadre de laquelle l’infraction a été commise fautivement. Cette responsabilité est concrètement imputée, en second lieu, à chacune des sociétés qui composent l’entreprise. Seules ces dernières, en effet, auront à supporter les conséquences financières de la responsabilité (amendes, obligations de réparation) car seules les sociétés sont des personnes morales, tandis que l’entreprise, au sens fonctionnel (c’est-à-dire l’unité économique) n’en est pas une.
Contribution de la filiale au comportement anticoncurrentiel de la société mère
L’avocat général observe que, dans le cas où c’est la société mère qui a commis l’infraction, la responsabilité "descendante" de la filiale résultera – outre de l’influence déterminante exercée par la première – du fait que l’activité de la filiale est, d’une manière ou d’une autre, nécessaire à la réalisation du comportement anticoncurrentiel (par exemple, parce que la filiale vend les biens objet de l’entente). Pour qu’il y ait une responsabilité descendante, donc, la filiale doit opérer dans le même secteur que celui dans lequel la société mère a mis en œuvre son comportement anticoncurrentiel et doit avoir rendu possible, par son comportement sur le marché, la concrétisation des effets de l’infraction.