Lorsque le liquidateur agit contre un tiers au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers du débiteur mis en liquidation judiciaire, la clause attributive de compétence stipulée dans un contrat conclu, avant l'ouverture de la procédure collective, entre le débiteur et le tiers cocontractant ne lui est pas opposable.Une société a conclu un contrat d'affacturage avec une entreprise.Le mandataire ad hoc désigné par le président d'un tribunal de commerce a découvert l'existence d'un dispositif d'émission de fausses factures, dont 21 millions d'euros avaient déjà été financés.La société a conclu avec l'entreprise un accord prévoyant la mise en place d'un mécanisme destiné à apurer sa dette de 21 millions d'euros.
Le tribunal de commerce de Créteil a mis l'entreprise en redressement puis liquidation judiciaires.Imputant à la société une faute ayant causé à la collectivité des créanciers un préjudice équivalent à la totalité de l'insuffisance d'actif de l'entreprise, le liquidateur l'a assignée en responsabilité civile délictuelle, devant le tribunal de commerce de Nanterre.
La société a soulevé l'incompétence territoriale de ce tribunal au profit du tribunal de commerce de Paris, en application de la clause attributive de compétence stipulée dans le contrat d'affacturage et le protocole d'accord.
La cour d'appel de Versailles a déclaré le tribunal de commerce de Nanterre incompétent au profit du tribunal de commerce de Paris, en application de la clause attributive de compétence.Elle a retenu que la circonstance que le liquidateur ait assigné la société sur le fondement de l'article 1240 du code civil n'est pas de nature à justifier que cette clause soit écartée, dès lors que les griefs invoqués par le liquidateur contre la société tiennent à des fautes que celle-ci aurait commises dans le cadre des relations contractuelles existant entre elle et l'entreprise.
Dans un arrêt du 9 juin 2022 (pourvoi n° 20-23.509), la Cour de cassation estime qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles L. 622-20 et L. 641-4 du code de commerce, l'article 1165 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et l'article 48 du code de procédure civile.En effet, lorsque le liquidateur agit contre un tiers au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers du débiteur mis en liquidation judiciaire, la clause attributive de compétence stipulée dans un contrat conclu, avant l'ouverture de la procédure collective, entre le débiteur et le tiers cocontractant ne lui est pas opposable.
Le liquidateur, qui agissait contre la société sur le fondement de la responsabilité civile délictuelle, demandait le paiement de dommages-intérêts correspondant au montant de l'insuffisance d'actif de l'entreprise.Il se prévalait d'une faute commise par la société au préjudice de la collectivité des créanciers qui consistait à avoir instrumentalisé et détourné de sa finalité la procédure de mandat ad hoc ouverte au profit de l'entreprise, afin de réduire son encours.Cela avait retardé l'ouverture de la procédure collective de la débitrice et, partant, privé ses créanciers de la chance d'être payés dans le cadre d'un plan de redressement, aggravé l'insuffisance d'actif de la débitrice en diminuant le gage commun des créanciers, et créé une apparence trompeuse de solvabilité créatrice d'un passif nouveau.Il ressort ainsi que, l'action du liquidateur étant exercée au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers, tiers aux contrats contenant la clause attributive de compétence, celle-ci n'était pas opposable au liquidateur.