Le revirement de jurisprudence selon lequel seuls les recours formés contre les décisions rendues par les juridictions du premier degré spécialement désignées relèvent de la cour d’appel de Paris ne s’applique à l’instance que si l’appelant pouvait le prévoir.
Une société automobile a été assignée par un concurrent en responsabilité contractuelle devant le tribunal de grande instance de Nanterre. Cette dernière a alors invoqué les dispositions de l’article L. 442-6, I, 6° du code de commerce.
La cour d’appel de Versailles a déclaré irrecevable l’appel formé par le concurrent, qui a alors relevé appel devant la cour d’appel de Paris.
Dans une décision du 21 mars 2018, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé contre l’arrêt d’appel.Elle rappelle que la chambre commerciale, financière et économique, amendant sa jurisprudence selon laquelle la cour d’appel de Paris est seule investie du pouvoir juridictionnel de statuer sur les recours formés contre les décisions rendues dans les litiges relatifs à l’application de l’article L. 442-6 du code de commerce, même lorsqu’elles émanent de juridictions non spécialement désignées par l’article D. 442-3 du même code, a jugé que seuls les recours formés contre les décisions rendues par les juridictions du premier degré spécialement désignées relevaient de la cour d’appel de Paris.
Or, la cour d’appel de Paris, se conformant à la jurisprudence ancienne, a retenu la recevabilité de l’appel formé par le concurrent de la société devant elle.
La Haute juridiction juge donc que retenir l’irrecevabilité de l’appel formé devant la cour d’appel de Paris aboutirait à priver le concurrent, qui ne pouvait ni connaître, ni prévoir, à la date à laquelle il a exercé son recours, la nouvelle règle jurisprudentielle limitant le pouvoir juridictionnel de la cour d’appel de Paris, d’un procès équitable, au sens de l’article 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales.
- Cour de cassation, chambre commerciale, 21 mars 2018 (pourvoi n° 16-28.412 - ECLI:FR:CCASS:2018:CO00318), société Toyota France c/ société Best automobile - rejet du pourvoi contre cour d’appel de Paris, 28 septembre 2016 - https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/chambre_commerciale_574/318_21_38795.html- Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales - https://www.coe.int/en/web/conventions/full-list/-/conventions/rms/0900001680063776- Code de commerce, article L. 442-6 - https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000033612862&cidTexte=LEGITEXT000005634379&dateTexte=20180327&fastPos=1&fastReqId=700771661&oldAction=rechCodeArticle- Code de commerce, article D. 442-3 - https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000021276185&cidTexte=LEGITEXT000005634379&dateTexte=20180327&fastPos=1&fastReqId=1666624345&oldAction=rechCodeArticle