Pour calculer l'indemnité devant être allouée à la société victime du préjudice résultant d'une pratique commerciale trompeuse, conférant à son auteur un avantage concurrentiel indu par rapport à ses concurrents, le juge doit tenir compte de l'économie injustement réalisée et moduler cette somme en tenant compte des volumes d'affaires respectifs des parties affectés par lesdits agissements.Une société spécialisée dans la création et la fabrication de produits d'arts de la table en cristal reprochait à une concurrente des pratiques commerciales trompeuses consistant à présenter dans ses catalogues des produits en verre, en cristallin ou luxion mélangés à des produits en cristal afin de laisser croire que l'ensemble serait en cristal, à les présenter comme étant "made in France" et à se présenter elle-même comme un "haut lieu du verre taillé en Lorraine" et un "spécialiste de la taille". Elle a assigné sa concurrente aux fins de cessation de ces pratiques illicites et indemnisation de son préjudice.
La cour d'appel de Paris a condamné la défenderesse à verser à la requérante la somme de 300.000 € en réparation de son préjudice.Après avoir constaté que les deux sociétés étaient directement concurrentes, sur un marché restreint où agissaient d'autres opérateurs, de plus grande taille et notoriété, les juges du fond ont retenu qu'en trompant le consommateur sur la composition, l'origine et les qualités substantielles des produits vendus, la défenderesse s'était assurée un avantage concurrentiel au préjudice de la requérante.Ils ont relevé en particulier que la tromperie sur la taille "made in France" avait permis à la défenderesse d'obtenir des prix de revient beaucoup plus bas et que, pour 2013, elle justifiait n'avoir employé qu'un tailleur pour six mois, là où la requérante en employait huit, en précisant leur coût annuel. Relevant enfin que la défenderesse avait bénéficié de cet avantage pour une taille représentant 10 % de son chiffre d'affaires de 5.000.000 €, cependant que la taille représentait 25 % du chiffre d'affaires de la requérante, qui était de 2.000.000 €, les juges ont évalué à 300.000 € le préjudice subi par cette dernière en déduisant, conformément à la méthode proposée par celle-ci, de la charge d'emploi de tailleurs de la requérante, rapportée à son chiffre d'affaires, le montant correspondant à la charge de ces emplois pour la défenderesse, rapportée au chiffre d'affaires de celle-ci.
La Cour de cassation approuve cette méthode dans un arrêt du 12 février 2020 (pourvoi n° 17-31.614).
Elle énonce notamment que si les effets préjudiciables de pratiques tendant à détourner ou s'approprier la clientèle ou à désorganiser l'entreprise du concurrent peuvent être assez aisément démontrés, en ce qu'elles induisent des conséquences économiques négatives pour la victime, soit un manque à gagner et une perte subie, y compris sous l'angle d'une perte de chance, tel n'est pas le cas de ceux des pratiques consistant à parasiter les efforts et les investissements, intellectuels, matériels ou promotionnels, d'un concurrent, ou à s'affranchir d'une réglementation, dont le respect a nécessairement un coût, tous actes qui, en ce qu'ils permettent à l'auteur des pratiques de s'épargner une dépense en principe obligatoire, induisent un avantage concurrentiel indu dont les effets, en termes de trouble économique, sont difficiles à quantifier avec les éléments de preuve disponibles, sauf à engager des dépenses disproportionnées au regard des intérêts en jeu.
La Cour précise que lorsque tel est le cas, il y a lieu d'admettre que la réparation du préjudice peut être évaluée en prenant en considération l'avantage indu que s'est octroyé l'auteur des actes de concurrence déloyale, au détriment de ses concurrents, modulé à proportion des volumes d'affaires respectifs des parties affectés par ces actes.