Le juge ayant une obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis, il doit s’assurer du caractère non équivoque d’une renonciation du bailleur à une clause du bail.Mme M et M. J sont locataires de locaux commerciaux appartenant à une société civile immobilière (SCI).Le bail commercial contient une clause stipulant que : "Toute cession ou sous-location devra être réalisée par acte authentique auquel le bailleur sera appelé et dont une grosse sera délivrée sans frais". Mme M et M. J ont cédé leur fonds de commerce à la société P. par acte sous signature privée contresigné par M. X. en sa qualité d'avocat de toutes les parties.
La bailleresse a délivré à Mme M. et M. J. un commandement de payer visant la clause résolutoire inscrite au bail et leur a notifié un congé avec refus de renouvellement, puis les a assignés, ainsi que la société P., en constatation de l'acquisition de la clause résolutoire et en inopposabilité de l'acte de cession.
La cour d'appel de Bordeaux a déclaré opposable la cession du fonds de commerce au profit de la société P. et a déclaré, en conséquence, de nul effet le congé délivré à Mme M. et M. J.Elle a retenu qu'en demandant à l'avocat rédacteur de cet acte de rappeler aux parties les modalités du bail initial, la bailleresse a implicitement mais nécessairement renoncé à la formalité de l'acte authentique.Elle en a déduit que le courrier du bailleur constitue un acte positif et non équivoque par lequel elle a accepté la cession par acte sous seing privé.
Dans un arrêt du 7 septembre 2022 (pourvoi n° 21-17.750), la Cour de cassation casse l’arrêt d’appel.En statuant ainsi, alors qu'il ne résultait de ce courrier aucune renonciation claire et expresse de la bailleresse à se prévaloir de la clause du bail imposant la forme authentique pour toute cession, la cour d'appel, qui en a dénaturé les termes clairs et précis, a violé le principe selon lequel le juge a obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis.