L'exequatur ne saurait rendre exécutoire une condamnation du débiteur à paiement de sommes d'argent sans méconnaître le principe, à la fois d'ordre public interne et international, de l'arrêt des poursuites individuelles des créanciers.Une société de droit suisse a cédé par une convention la totalité des titres d'une société de droit français, gestionnaire de fonds communs de placement, moyennant le prix de 1 € dans l'attente de la liquidation des fonds, et de deux compléments de prix, l'un représentant 50 % du résultat de la société cédée et l'autre assis sur les performances des fonds.
Trois ans après, la cédante a engagé une procédure d‘arbitrage pour régler un différend relatif au paiement des compléments de prix. Le tribunal arbitral a rendu à Zurich une sentence condamnant la cessionnaire à payer une certaine somme à la cédante.Après ouverture d'une procédure de sauvegarde à l'encontre de la société cessionnaire, la cédante a déclaré sa créance qui a été contestée.En liquidation amiable, la cédante a alors déposé une requête aux fins d'exequatur de la sentence arbitrale en demandant la délivrance d'une expédition revêtue de la formule exécutoire. Il y a été fait droit par une ordonnance du président du tribunal de grande instance de Paris qui a déclaré la sentence exécutoire. La cessionnaire a fait appel de l'ordonnance.Une ordonnance du juge-commissaire, saisi de la demande d'admission de la créance de la cessionnaire, a sursis à statuer dans l'attente de la décision de la cour d'appel statuant sur l'appel de l'ordonnance d'exequatur.
La cour d'appel de Paris a infirmé l'ordonnance d'exequatur en ce qu'elle a rendu exécutoire une condamnation à paiement de sommes d'argent.Les juges du fond ont énoncé que le principe de l'arrêt des poursuites individuelles des créanciers était à la fois d'ordre public interne et international.Après avoir relevé que la sentence arbitrale, revêtue dès sa reddition, de l'autorité de chose jugée, avait condamné la cessionnaire à payer diverses sommes à la cédante, et que le tribunal avait ouvert la procédure de sauvegarde de la cessionnaire le mois suivant, les juges ont retenu que l'exequatur ne saurait, sans méconnaître ce principe, rendre exécutoire une condamnation du débiteur à paiement de sommes d'argent.
La Cour de cassation valide ce raisonnement dans un arrêt du 12 novembre 2020 (pourvoi n° 19-18.849). Elle approuve également la cour d'appel, saisie par la cédante de conclusions demandant l'exequatur de la sentence afin d'en intégrer les dispositions dans l'ordre juridique interne, d'avoir déduit que l'exequatur pouvait, en l'espèce, être accordé dans le but, non de conférer à la sentence arbitrale la force exécutoire d'une décision de condamnation du débiteur, mais exclusivement de permettre à la société cédante de faire reconnaître son droit de créance.