La Cour de cassation se penche sur la question des actions tendant à la protection et à la reconstitution du gage commun des créanciers.
En l’espèce, M. X. et la société A. ont cédé à la société B., filiale des sociétés C. et D. et dirigée par M. Y., les titres qu’ils détenaient dans la société E. pour un prix payable pour moitié à la signature de l’acte, le solde devant être réglé selon des modalités déterminées.En application du protocole d’accord signé à cette occasion, la société E. a été absorbée par la société B. et M. X. a été désigné en qualité de dirigeant de cette dernière.En raison de difficultés de trésorerie révélées immédiatement après la réalisation de la cession, M. X. a déclaré la cession des paiements de la société B., laquelle a été mise en redressement puis liquidation judicaires.L’expert, désigné aux fins de déterminer la date réelle de cession des paiements et les causes de celle-ci, a relevé que, dès 2004, la société B. était dans une situation structurellement déficitaire, et que l’état de cessation des paiements, caractérisé dès le troisième trimestre 2007, avait été cause par la mauvaise gestion de M. Y, lequel faisait payer par la société la quasi-totalité de ses frais personnels ainsi que par la société Z., commissaire aux comptes, qui avait artificiellement augmenté les résultats de la société et n’avait pas révélé aux actionnaires les comportement de M. Y., et enfin, par la société C., qui, non seulement, n’avait pas soutenu sa filiale, mais s’était fait verser des dividendes de façon anormale.
Après avoir régulièrement déclaré leur créance de complément de prix de cession au passif de la procédure collective, M. X. et la société A. ont assigné M Y., les sociétés Z. et C. en paiement de dommages-intérêts, pour le solde impayé du prix de vente et la perte de la possibilité d’un complément de prix, outre la perte de la rémunération garantie à M. X.
La cour d’appel d’Aix-en-Provence, dans un arrêt du 24 septembre 2015, déclare irrecevables les demandes. Les juges du fond retiennent que les réclamations portent sur des sommes qui ont été déclarées au passif de la procédure collective de la société B. et trouvent leur cause dans la mise en liquidation judiciaire de la société qui n’a pu payer ses dettes. La cour d’appel en déduit que le préjudice allégué, qui n’a pu naître indépendamment de toute procédure collective, est identique à celui qui a été subi indistinctement et collectivement par tous les créanciers.
La Cour de cassation, dans un arrêt du 14 juin 2017, casse et annule l’arrêt de la cour d’appel. La Haute juridiction judicaire précise que la cour d’appel en déterminant ainsi, sans distinguer entre le préjudice résultant de l’impossibilité pour les cédants de se faire payer par la société B. leur créance résultant du solde du prix de cession, lequel ne constitue qu’une fraction du passif collectif dont l’apurement est assuré par le gage commun des créanciers, qu’il appartient au seule mandataire judiciaire de reconstituer, et la perte de la chance des cédants de percevoir pour l’avenir un complément de prix, ainsi que, pour M. X., la perte, pour l’avenir, des rémunérations qu’il aurait pu percevoir en tant que dirigeant social, préjudices dont la réparation est étrangère à la reconstitution du gage commun, n’a pas donné de base légale à sa décision.
- Cour de cassation, chambre commerciale, 14 juin 2017 (pourvoi n° 15-26.953 - ECLI:FR:CCASS:2017:CO00909), M. X. et Evacom c/ M. Y., Ernst & Young et BCD - cassation de cour d’appel d’Aix-en-Provence, 24 septembre 2015 (renvoi devant la cour d’appel de Nîmes) - https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/chambre_commerciale_574/909_14_37123.html