La Cour de cassation apprécie strictement la qualité de dirigeant de fait d'une société. En l'espèce, les actes reprochés à la société ne caractérisaient pas des actes de gestion ou de direction de sa part exercés en toute indépendance.En l'espèce, deux sociétés (sociétés P. et S.) ont conclu entre elles deux protocoles d'accord relatifs aux prix d'achat et aux commandes à passer. L'un faisait mention d'une contrepartie d'informations adressée à la société S. sur ses gains de productivité, quand l'autre faisait mention d'une contrepartie de transparence financière et d'un engagement de cession du capital d'une autre société à tout repreneur présenté et recommandé par les constructeurs automobiles signataires du protocole.
Estimant ne pas avoir reçu de la société P. les commandes convenues, la société S. l'a assignée pour manquement à ses obligations contractuelles. Par la suite, la société S. a été mise en redressement puis en liquidation judiciaire. Le juge-commissaire a désigné un technicien dans le but de déterminer l'existence d'une éventuelle gestion de fait. Ainsi, la société P. a été assignée par le liquidateur aux fins de la voir supporter, en sa qualité de dirigeant de fait de la société S., l'insuffisance d'actif de cette dernière (article L. 651-2 du code de commerce) et a poursuivi l'action en réparation du préjudice résultant du non-respect par la société P. de ses engagements.
La cour d'appel de Versailles a débouté le liquidateur de sa demande. Elle a estimé en ce sens que la société P. n'avait pas la qualité de dirigeant de fait de la société S.
Le liquidateur s'est donc pourvu en cassation en soutenant que la société P., "sans avoir été régulièrement désignée en qualité de dirigeant par les organes de la société, exerçait sans dépendance par rapport aux organes sociaux, des activités positives de gestion et de direction de cette société".
Par un arrêt rendu le 19 mai 2021 (pourvois n° 19-25.286 et 20-14.112), la Cour de cassation a rejeté les pourvois. Elle a estimé que la cour d'appel avait exactement déduit que les actes reprochés à la société P. ne caractérisaient pas des actes de gestion ou de direction de sa part exercés en toute indépendance, de sorte qu'elle n'avait pu être dirigeante de fait de la société S.
Elle précise en effet qu'il n'était pas démontré d'instructions au sujet des actes de contrôle de la société S. que la société P. aurait exercé. De même, aucune preuve n'étant apportée en ce que les réunions entre la société P. et l'actionnaire de la société S. se soient tenues hors de la présence des dirigeants de droit. En outre, concernant le projet de reprise de la société et de la clause de portage, des courriers démontrent que "les dirigeants conservaient une certaine indépendance d'action". Enfin, la Haute juridiction judiciaire précise que "les agissements de la société [P.] auprès de la société S. n'ont consisté qu'en des contrôles, recommandations, demandes ou exigences, ne révélant qu'un rapport de subordination économique du fournisseur vis-à-vis de son client, dans le cadre de conventions où le constructeur prenait, en cette qualité et dans son propre intérêt, des décisions ayant des conséquences pour le fournisseur".