Le commissaire aux comptes doit faire preuve de vigilance en contrôlant les modalités de l’augmentation substantielle de la rémunération du dirigeant social sous peine d’engager sa responsabilité. M. B. était le président et directeur général d’une société anonyme. En 2011, les comptes de l’exercice clos au 31 mars 2011 ont fait ressortir un déficit qui avait pour origine des malversations de M. B. Ce dernier a par la suite été révoqué et licencié en juillet 2011. Le commissaire aux comptes (CAC) de la société a par la suite adressé une lettre de révélation au procureur de la République, laquelle a donné lieu à une enquête préliminaire pour abus de bien sociaux. M. B. a été poursuivi puis condamné par le tribunal correctionnel.
La société a assigné le CAC aux fins d’indemnisation du préjudice qu’elle considérait avoir subi. Elle se fondait sur un manquement à l’obligation professionnelle d’alerte concernant les malversations en cause.
La cour d’appel a condamné le CAC à indemniser la société pour la perte de chance de pouvoir éviter un détournement de fonds consistant en l’augmentation de sa rémunération par M. B. à compter de 2009. Les juges du fond ont estimé que le CAC avait manqué à son obligation légale de vérification de la sincérité de la rémunération du dirigeant social et commis une négligence fautive. Pour fonder leur décision, ils ont, d’une part, rappelé que le conseil d’administration d’une société anonyme n’avait pas le pouvoir de ratifier la décision du président, qui, sans avoir préalablement obtenu une décision du conseil, s’était alloué une augmentation de sa rémunération. Ils ont ainsi reproché au CAC de ne pas avoir relevé qu’aucune décision du conseil d’administration n’avait autorisé l’augmentation de la rémunération de M. B. pour l’exercice de 2009. Selon eux, au cours de l’exercice de 2009 à 2010, eu égard au montant substantiel de l’augmentation, le CAC aurait dû interpeller les organes compétents de la société ou formuler une observation ou une réserve lors de la certification des comptes de cet exercice. Les juges du fond ont, d’autre part, relevé que lors de l’exercice suivant, le CAC n’avait pas fait preuve de vigilance et veillé suffisamment à s’assurer de la sincérité de l’information relative à la rémunération du dirigeant social, se contentant de procéder au seul contrôle a posteriori. Ils ont considéré que le CAC aurait pu se faire communiquer le procès-verbal du conseil d’administration de 2010, fixant la rémunération de M. B. pour l’exercice de 2010 à 2011, ou, à tout le moins, vérifier la rémunération de M. B. au cours de l’exercice de 2010.
Le CAC a formé un pourvoi en cassation. Il reprochait à la cour d’appel d’avoir dénaturé sa mission en mettant à sa charge un devoir de contrôle des comptes permanent ainsi que d’avoir omis un procès-verbal de la réunion du conseil d’administration de 2010 validant les rémunérations de M. B.
La Cour de cassation valide l’arrêt d’appel par une décision du 31 mars 2021 (pourvoi n° 19-12.045). La Haute juridiction judiciaire décide que la cour d’appel n’a pas, par ses énonciations, mis à la charge du CAC un devoir de contrôle permanent des comptes. Elle a précisé que la cour d'appel n'avait pas omis de prendre en considération le procès-verbal de la réunion du conseil d’administration de 2010 mais soulignait que le CAC n'avait fait aucune démarche pour l'obtenir à l'époque.