La clause instituant un droit de priorité consenti par un distributeur aux adhérents d’un réseau de distribution, qui vise la création d'un nouveau magasin, concerne également l'autorisation d'implantation pour un magasin déjà existant.La société T. a souscrit un contrat d'adhésion au réseau de distribution constitué par la société H., afin d'exploiter un point de vente.Ce contrat contient une clause ainsi rédigée : "Aucune zone d'exclusivité n'est mise en place dans le cadre du présent contrat. Toutefois dans l'hypothèse où le concédant proposerait l'implantation d'un nouveau point de vente en vue de permettre une meilleure couverture du territoire national, ce dernier devra le proposer en priorité à l'adhérent le plus proche du nouveau site envisagé. L'adhérent disposera alors d'un délai de quatre vingt-dix jours pour se positionner. A défaut de réponse dans ce délai, le concédant retrouvera son entière liberté pour proposer le nouveau site à un autre adhérent. Dans la mesure où l'adhérent souhaiterait créer ou acquérir un autre point de vente, il devra au préalable recueillir l'accord du concédant et du conseil de surveillance pour pouvoir utiliser l'enseigne dans ce nouveau point de vente."La société L., adhérente du réseau, a acquis un fonds de commerce constitué de trois sites d'exploitation, et a été autorisée par la société H. à exploiter l'établissement d'Annecy.Invoquant le droit de priorité qui lui avait été contractuellement accordé, la société T. a assigné les sociétés H. et L. afin de voir condamner la première, à titre principal, à lui proposer de se substituer à la société L. dans l'exploitation d'un point de vente à Annecy et, à titre subsidiaire, au paiement de dommages-intérêts, in solidum avec la seconde.
La cour d'appel de Chambéry a dit que la société H. n'a pas respecté le droit de priorité de la société T. en autorisant la société L. à ouvrir un point de vente à Annecy. Elle a condamné les sociéts H. et L. in solidum au paiement d'une provision à valoir sur le préjudice.
D'abord, les juges du fond ont retenu que la société H. avait intérêt à développer son réseau en couvrant le plus possible le territoire national, ce qui excluait la création d'une zone d'exclusivité, mais qu'elle devait aussi faire en sorte que les adhérents en place ne voient pas s'installer à leurs côtés un autre membre du réseau venu les concurrencer "sans avoir leur mot à dire". Ils en ont déduit que la clause doit être interprétée comme visant le cas, non seulement de la création d'un nouveau magasin, mais aussi de l'autorisation d'implantation donnée à un adhérent pour un magasin déjà existant.
Ensuite, ils ont retenu que la société L. ne pouvait ignorer l'existence de la clause dès lors qu'elle avait elle-même bénéficié du même contrat en adhérant au réseau et qu'elle était la filiale d'une société dont un actionnaire siège au conseil d'administration de la société H., ce dont ils ont déduit que la société L. avait pleinement conscience de ce que l'opération envisagée nuirait aux droits de la société T.La cour d'appel en a déduit la responsabilité de la société L. comme complice de la violation de la clause commise par la société H.
Dans un arrêt du 24 juin 2020 (pourvoi n° 18-18.692), la Cour de cassation valide le raisonnement des juges du fond et rejette le pourvoi des sociétés H. et L.