Le client a subi, du fait de la faute commise par son avocat, une perte de chance de voir admettre ses pourvois, sans qu'il soit établi de façon certaine que leur admission aurait permis une cassation.
Par deux arrêts du 5 octobre 2004, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a, sur la demande de la banque, prononcé le redressement judiciaire, puis la liquidation judiciaire de la société civile d'exploitation agricole (la SCEA), dont M. X. était associé. Me Y., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, a été mandaté pour former un pourvoi contre ces deux arrêts. Ces pourvois ont été déclarés non admis.
M. X. reproche à Me Y. d'avoir omis de soulever le moyen tiré de l'irrecevabilité de l'assignation en redressement judiciaire délivrée le 25 janvier 2002 à la SCEA par la banque, faute de contenir l'indication des procédures ou voies d'exécution engagées pour le recouvrement de la créance. Le client intente alors une action en justice pour engager la responsabilité de l’avocat aux conseils car celui-ci lui aurait fait perdre une chance de faire examiner son pourvoi, d’obtenir une décision de cassation, et car sa faute a conduit à une liquidation judiciaire.
Le Conseil de l'Ordre des avocats à la Cour de cassation, a retenu, dans son avis, la responsabilité professionnelle de Me Y. envers M. X. et évalué le préjudice de celui-ci à la somme de 5.000 €.
Le 20 décembre 2017, la Cour de cassation prononce l’irrecevabilité du pourvoi, estimant que Me Y. a commis une faute engageant sa responsabilité professionnelle à l'égard de M. X.Elle rappelle qu’en vertu de l'ancien article 7 du décret n° 85-1388 du 27 décembre 1985 relatif au redressement et à la liquidation judiciaire des entreprises, modifié par le décret n° 94-910 du 21 octobre 1994, applicable en l'espèce, l'assignation d'un créancier doit préciser la nature et le montant de la créance et contenir l'indication des procédures ou voies d'exécution engagées pour le recouvrement de la créance. En 2005, la Cour de cassation a jugé que "l'assignation d'un créancier contient à peine d'irrecevabilité de la demande, qui doit être relevée d'office, l'indication des procédures ou voies d'exécution engagées pour le recouvrement de la créance". La Haute juridiction judiciaire estime en l’espèce que M. X. a subi, du fait de la faute commise par Me Y., une perte de chance de voir admettre ses pourvois, sans qu'il soit établi de façon certaine que leur admission aurait permis une cassation des arrêts ayant ouvert les procédures collectives à l'égard de la SCEA ni qu'en cas de cassation, cette dernière aurait pu éviter l'ouverture de ces procédures. Dès lors, le préjudice invoqué par M. X. sera justement réparé par l'allocation d'une somme de 5.000 € à titre de dommages-intérêts.
- Cour de cassation, 1ère chambre civile, 20 décembre 2017 (pourvois n° 16-28.167 et 16-50.063 - ECLI:FR:CCASS:2017:C101318) - irrecevabilité du pourvoi contre Conseil de l'Ordre des avocats à la Cour de cassation, 10 septembre 2015 - https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000036344302&fastReqId=854190922&fastPos=1
- Décret n° 85-1388 du 27 décembre 1985 relatif au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises, article 7 (applicable en l'espèce) - https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexteArticle.do;jsessionid=55CD3A87F875AAC2136290A4F515B5A3.tplgfr27s_2?idArticle=LEGIARTI000006407203&cidTexte=JORFTEXT000000688577&categorieLien=id&dateTexte=20051231