Un manquement à une règle de déontologie ne constitue un acte de concurrence déloyale par détournement de clientèle que s'il est établi que ce manquement est à l'origine du transfert de clientèle allégué.Un expert-comptable a quitté le cabinet dont il était associé et a, à cette occasion, acquis une partie de la clientèle de cette société, en vertu d'un acte qui comportait une clause d'interdiction, pour la cédante, de démarcher la clientèle cédée, et, pour le cessionnaire, de démarcher la clientèle non cédée.
Reprochant à son ancien cabinet d'avoir adressé un document publicitaire à la clientèle qui lui avait été cédée, l'expert-comptable l'a assigné en paiement de la pénalité contractuellement prévue en cas de non-respect de la clause d'interdiction de démarchage. De son côté, le cabinet a formé une demande reconventionnelle en paiement de cette même pénalité et, à titre subsidiaire, en réparation de son préjudice résultant d'actes de concurrence déloyale.
La cour d'appel de Limoges a confirmé le jugement en ce qu'il a condamné l'expert-comptable à payer à son ancien cabinet la somme de 20.000 € au titre de la concurrence déloyale.Les juge du fond ont d'abord relevé que le professionnel du chiffre, qui avait été sollicité par neuf sociétés, n'avait pas démarché celles-ci. Ils ont ensuite retenu qu'en commençant sa mission auprès de ces sociétés sans avoir obtenu l'acceptation de son ancien cabinet, en sachant que des honoraires lui restaient dus et sans attendre la décision de l'Ordre des experts-comptables, qui avait été saisi de la difficulté, l'expert-comptable a violé l'article 23 du code de déontologie des experts-comptables et a commis une faute, se rendant coupable d'un acte de concurrence déloyale envers son ancien cabinet, dans la mesure où la faute ainsi commise était en lien direct de causalité avec la perte de chiffre d'affaires, pour le cabinet, correspondant à ces neuf clients.
Dans un arrêt du 10 février 2021 (pourvoi n° 19-10.919), la Cour de cassation reproche à la cour d'appel de s'être déterminée ainsi sans constater que la faute qu'elle avait caractérisée était à l'origine du transfert de clientèle qu'elle retenait.La chambre commerciale précise en effet qu'il résulte de l'article 1382, devenu 1240, du code civil, qu'un manquement à une règle de déontologie, dont l'objet est de fixer les devoirs des membres d'une profession et qui est assortie de sanctions disciplinaires, ne constitue un acte de concurrence déloyale par détournement de clientèle que s'il est établi que ce manquement est à l'origine du transfert de clientèle allégué.